Les événements tragiques qui marquent notre actualité nous incitent à rendre hommage à ceux qui aujourd’hui sont pris dans la guerre et combattent avec un courage indicible pour leur liberté, notamment en Ukraine. Le recours aux traces et aux textes de l’Antiquité permet de mettre en perspective et dans la longue durée l’expérience de la guerre, celle de la désolation et de la résignation qui l’accompagnent, et celle des sursauts parfois héroïques qu’elle provoque. Depuis Les Perses d’Eschyle, plus précisément depuis la presque première des tragédies de guerre, lorsqu’il s’est agi de la représenter et de réfléchir sur son horreur, sur la détresse de ses victimes, cela a été un face à face exigeant, une exposition douloureuse, et parfois au-delà du supportable. Victimes anonymes, comme ces femmes de Troie qui se battent et tentent de protéger leurs enfants massacrés par les guerriers sortis du cheval de bois : figées dans une ronde macabre sur la panse d’une très ancienne jarre en terre cuite (675 avant J.-C.) découverte dans l’île de Mykonos, Que faire, que dire devant la catastrophe ? Comme un long écho, les vaincus, les Troyens ou les Perses, ou encore les Méliens massacrés par les Athéniens en 416 av. J.-C., nous disent ce qu’est la douleur d’une humanité prise au piège du tragique.
Les figures des « résistants » de l’Antiquité nous disent également ce qu’a été leur combat pour la liberté. Ainsi les anciens Grecs incarnaient aux yeux de René Char l’image de « l’homme debout ». Cette image nous rappelle en effet une valeur intimement grecque : la noblesse de l’homme et sa vérité se mesurent à son énergie et à son sens de la liberté. On ne s’agenouille pas devant l’agresseur. Xénophon s’adresse ainsi aux Dix-Mille dans l’Anabase pour les exhorter au combat : « Le plus beau trophée qui vous reste c’est la liberté dont vous jouissez dans les cités où vous êtes nés et où vous avez été élevés. Vous ne vous prosternez, en effet, devant aucun maître, mais seulement devant les dieux ». Ces hommes libres peuplent encore notre imaginaire et tous, dressant des ponts affectifs et intellectuels, s’adressent à nous avec les combattants d’aujourd’hui pour nous dire de ne jamais cesser de lutter pour la liberté et de garder, en dépit de tout, confiance en l’humanité, en ce que Vassili Grossman nommait la « bonté folle » des êtres humains, vive même dans les temps terribles. Nous proposons ici des pistes de travail et de réflexion, à partir des œuvres littéraires et iconographiques de l’Antiquité, sur les répliques à apporter à ce séisme culturel et sur le retour de la question de la confiance posée à l’homme.
Comité éditorial d’Odysseum
– quatorze articles sur la guerre dans l’ Antiquité : site Odysseum
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