Le roman à l’époque de Marivaux
Au XVIIe on trouvait deux formes de « roman » : le roman baroque, touffu et à tiroirs (roman pastoral avec des conversations galantes sur l’amour, et roman héroïque avec des situations et des personnages extraordinaires) et la nouvelle historique, avec des personnages appartenant à la réalité historique, une intrigue simplifiée (une trame unique) et une analyse psychologique qui prenait le pas sur le récit d’aventures). Enfin il y avait une forme parodique, c’était le roman comique (burlesque) où la réalité était prosaïque et la vérité triviale et comique.
Au XVIIIe, on méprise ce genre hérité du siècle précédent : une littérature de femmes, frivole, immorale et pleine d’invraisemblances. On va avoir tendance par conséquent à transformer le roman en genre vrai qui raconte comment l’individu (et non pas le noble, qui par définition n’a pas d’histoire, sinon celle de sa lignée) peut faire sa place dans une société en pleine évolution . C’était du reste être conforme au goût de la classe dominante, c’est-à-dire, de la bourgeoisie, dont le seul « héroïsme » était celui du quotidien.
Ce souci de vraisemblance d’autre part explique qu’on privilégie le Roman-mémoire à la première personne ; il se donne comme un récit vrai et non une fiction (d’où le procédé fréquent d’un manuscrit retrouvé…que l’auteur n’a fait que publier). Et donc le narrateur ne sera jamais omniscient, ce qui entraîne des zones d’ombre, parce qu’à l’inverse du narrateur extra-diégétique qui peut nous éclairer sur l’ensemble des personnages, ici le narrateur, Je, est toujours présent et tout-puissant, c’est le seul sujet, tout le reste dépend de son regard (cf. J. Rousset, Narcisse romancier) et de la limitation de ce regard. Donc tous les autres personnages ne sont plus que des objets. Dans La vie de Marianne, on ne saura par exemple jamais la vérité sur les sentiments de Valville). Mais nous verrons comme le fait d’être finalement le seul « sujet » est important et décisif dans l’objectif de Marianne. Cependant, comme chez Marivaux, la prise de conscience claire de ce qu’on est se fait toujours a posteriori, il y aura une distance entre celle qui raconte et la Marianne héroïne décrite, et donc on retrouve, dans ce système narratif, la distance, mais sur un autre plan, entre la narratrice et les autres personnages. Pour résumer quand la narratrice s’efface et que Marianne est l’actrice principale, il y a représentation de l’autre à travers les signes qu’il émet, et quand la narratrice analyse ses réactions passées, c’est l’introspection qui préside à la connaissance de soi, et le maximum de lumière est projeté sur le moi (surtout s’agissant d’une coquette comme Marianne).
Pour la découverte complète du dossier : site ODYSSEUM
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